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De la COP29 à la COP30: quid de la mise en œuvre de l’Accord de Paris?

  • Imane Saidi and Iskander Erzini Vernoit
  • 15 juin
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 15 juin

Suite aux tensions à Bakou, le processus climatique de l'ONU reprend à Bonn (16-26 Juin) avec le Brésil espérant combler les divisions avant la COP30. Cet article a été originellement publié dans l'édition du weekend 13-15 juin du quotidien L'Économiste.


Beaucoup d’attentes avaient précédé la COP29, tenue à Bakou, qui aurait dû marquer une étape cruciale dans les efforts vers la mise en œuvre de l’Accord de Paris, avec la tentative de définir le Nouvel Objectif Quantifié Collectif (New Collective Quantified Goal, NCQG) sur le financement climatique, joint à des accords sur l’atténuation, l’article 6 relatif aux marchés carbone et l’adaptation. 


Bien qu’officiellement présenté comme un “Pacte d’unité climatique de Bakou", les principaux résultats de la COP29 étaient décrits par certains comme un “pacte suicide”. En raison de tensions non résolues résultant de problèmes interdépendants, des décisions cruciales relatives aux négociations ont été reportées à 2025, notamment sur les Plans Nationaux d’Adaptation (“NAPs”), le dialogue du Bilan Mondial et le Programme de Travail sur la Transition Juste. Face au manque d’ambition, notamment en termes de finance, pourtant cruciale, la désillusion des pays en développement était palpable à la conclusion de la COP29, avec l’Inde et d’autres délégations ayant perçu le processus lui-même comme une « parodie de justice ».  


Les alliés de l'Accord de Paris se retrouvent donc aujourd’hui non seulement confrontés à un écart préoccupant entre l'ambition mondiale et les plans nationaux annoncés, mais aussi à un écart important entre tous ces objectifs et des moyens de mise en œuvre clairement insuffisants.


Nouvel objectif financier climatique : des aspirations à la désillusion

Après trois ans de négociations intenses visant à surmonter l’échec de l’objectif des 100 milliards, le NCQG, dévoilé tard le 24 novembre, s’est révélé décevant. Les négociations relatives au NCQG ont illustré un décalage chronique entre l’urgence climatique et la volonté des pays riches de réellement engager des ressources financières conséquentes dans l’effort mondial. Pendant la majeure partie du Sommet qui s’étalait sur deux semaines, les pays développés se sont abstenus de proposer des objectifs quantifiés pour le NCQG, prolongeant l’attente et donc la frustration des pays en développement, qui plaidaient pour la mobilisation de 1 300 milliards  par an, alors que les pays développés souhaitaient rester sur 300 milliards d’ici 2035. Un simple calcul permet de constater le gouffre séparant les engagements réels aux besoins recensés, à savoir entre 5,01 et 6,85 trillions de dollars pour les pays en développement jusqu’en 2030, selon leurs CDN. De plus, la décision finale élude des questions cruciales comme le besoin de financements publics sous forme de dons, sans endettement, et ignore le besoin d'établir des sous-objectifs quantitatifs pour l’atténuation, l’adaptation et les pertes et préjudices. 


Néanmoins, la décision offre aussi un appel flou à 1 300 milliards de dollars provenant de "toutes les sources publiques et privées" d’ici 2035 et prévoit une « Feuille de route de Bakou à Belém”, au Brésil, qui accueillera la COP30 en novembre. Cette Feuille de route  se heurte d’ores et déjà à un manque de clarté quant à sa mise en œuvre et à l’absence de mécanismes robustes de responsabilisation claire. Les présidences azerbaïdjanaise et brésilienne ont donc la responsabilité cruciale d’élaborer cette feuille de route et seront nécessairement confrontées à des choix politiques dans cet effort, particulièrement sur qui paiera. Les présidences n’auront d’autre choix que  de recommander un haussement de l’ambition des pays riches quant aux financements publics nécessaires à la mise en œuvre de l’Accord de Paris.


L’atténuation en vue de Belém : objectifs clés en danger 

Les avancées de la COP28 concernant l’atténuation, notamment l’ambition de tripler les énergies renouvelables et de sortir progressivement des énergies fossiles des systèmes énergétiques, n’ont pas trouvé d’écho concret à Bakou, entravées par l’absence de consensus entre les Parties, notamment dans le contexte du débat sur le financement. 


Le dialogue des Émirats arabes unis (EAU), censé garantir la mise en œuvre des résultats du Bilan Mondial (Global Stocktake, ou GST), a rapidement mis en lumière des divisions profondes entre les pays. Si la majorité des pays développés ont plaidé pour des mesures de suivi visant à accélérer la transition énergétique — d’autres ont insisté pour que le processus se concentre exclusivement sur les moyens de mise en œuvre. Faute de consensus autour de la décision proposée par la présidence, la décision a été reportée à 2025. 


Le Programme de travail sur l’atténuation (Mitigation Work Programme, ou MWP) a souffert des fractures similaires. En 2025, ce MWP aura son 5e événement mondial de dialogue et d'investissement en mai, qui se concentrera sur les solutions d'atténuation dans les secteurs de l'industrie, de l'AFOLU et des déchets, en s'appuyant sur l'expérience nationale et régionale.


La COP29 a néanmoins permis l’opérationnalisation tant attendue de l’Article 6.4, le mécanisme de l’Accord de Paris pour la mise en place de marchés carbone. Si cette avancée offre de nouvelles opportunités de coopération et d’échanges de crédits carbone, certains experts signalent que l’urgence de parvenir à un accord s’est faite au détriment de sauvegardes pour la transparence et l’intégrité environnementale.


Adaptation et pertes et préjudices : plus de questions (techniques) que de réponses 

Le Fonds pour les pertes et préjudices a reçu en 2024  84,6 millions de dollars — une somme qui paraît dérisoire face aux pertes et préjudices annuels estimés à 400 milliards de dollars pour les pays en développement. Difficile d’y voir un progrès significatif pour ceux qui subissent les impacts irréversibles du dérèglement climatique. 


Quant au Fonds d’adaptation, il a pour la deuxième année consécutive, manqué son objectif annuel de 300 millions de dollars, n’atteignant que 130 millions. Pour les communautés confrontées à des catastrophes climatiques imminentes, ces chiffres ne sont pas simplement décevants : ils sont inacceptables face aux besoins annuels estimés à 215-387 milliards de dollars pour les pays en développement.


Sur l’Objectif mondial d’adaptation (Global Goal on Adaptation, ou GGA), la décision la plus significative aura été de maintenir le GGA comme point permanent à l’ordre du jour au-delà de la COP30, assurant une espace pour discuter sa mise en œuvre à long terme. Dans le cadre du Programme de travail EAU-Belém, les pays ont convenu de fournir des orientations pour affiner les indicateurs de suivi des objectifs du GGA, y compris l’ajout d’indicateurs liés aux moyens de mise en œuvre — une petite victoire défendue par les pays en développement. Mais ces avancées sont éclipsées par l’absence d’un sous-objectif dédié à l’adaptation (ou au pertes et préjudices) dans le NCQG, un manque qui limite une réponse véritablement ambitieuse en adaptation.


En vue de la COP30, la présidence brésilienne a affirmé une vision de “réalisme climatique où l'adaptation occupe une place centrale” pour l'ensemble des parties prenantes, ce qui pourrait augurer d'une revalorisation politique de l'adaptation et de l'article 7.1 de l’Accord de Paris, dépassant son profil actuel principalement technique dans la CCNUCC.


2025: Sur le route de SB62 et COP30, échéances cruciales pour aborder les insuffisances de la COP29

L’année 2025 est supposée marquer une étape clé pour les pays, qui doivent re-soumettre leurs contributions et plans nationaux (“NDCs” et “NAPs”) mises à jour, renforçant ainsi leurs ambitions en termes d’atténuation et d’adaptation conformément aux objectifs de l’Accord de Paris. Pourtant, le manque d’ambition à Bakou  risque de saper la volonté politique et la confiance indispensables à ce processus. Le dernier Rapport de synthèse sur les CDN a clairement souligné qu’atteindre l’objectif mondial de plafonnement des émissions nécessite de mettre en œuvre les composantes conditionnelles des CDN, mais leur réalisation dépend d’une augmentation significative des ressources financières, du transfert de technologies et du renforcement des capacités. Or, la COP29 n’a pas répondu aux attentes dans ces domaines. Compte tenu du faible nombre de CDN et de PNA soumis à cette heure, les perspectives d’une mise à jour significative de l’ambition climatique internationale semble préoccupante.


Après la COP29, une COP qualifiée comme la « COP du financement », l’absence de résultats en matière de financement soulève des questions cruciales pour la COP30 à Belém et au-delà: ce processus post-Paris est-il à la hauteur de ses objectifs ? Et qui bénéficie du maintien du statu quo ?  


Pour les communautés en première ligne de la crise climatique, en Afrique, dans la région Arabe, et dans le monde entier, les résultats de la COP29 ne sont pas de simples échecs diplomatiques; ils représentent des menaces existentielles. La COP29 n’a tout simplement pas livré l’ambition nécessaire pour impulser une action climatique adéquate. Une grande partie de l’ambition face au défi — qu’il s’agisse de l’atténuation, de l’adaptation ou de réponse aux pertes et préjudices — a été reportée.


Il faut noter que la présidence brésilienne entrante présente la COP30 comme ‘un moment de transition vers une phase “post-négociation” de la CCNUCC’. Poursuivant cette ambition, la présidence de la COP30 cherche à mobiliser activement un «mutirão» (“effort collectif”) des acteurs non-étatiques et le secteur privé. Elle s’attaque notamment à un nouveau type d’opposition : le “déni économique” qui ignore que les mesures contre le changement climatique peuvent être bénéfiques  pour l’économie. Elle en appelle donc aux économistes, estimant qu’ils peuvent démontrer les bénéfices économiques de l’action climatique. Cependant, même si ce déni est un risque réel, les économistes reconnaissent que les marchés sont jalonnés d’obstacles, rendant indispensable le soutien de l’Etat, une coopération internationale renforcée et des réformes mondiales. 


Quant aux réunions des Organes Subsidiaires (SB62) de la CCNUCC qui auront lieu à Bonn en Juin 2025, la présidence entrante semble déterminée à recadrer le processus, notamment en visant la résolution des points en suspens du Bilan mondial et du Dialogue des Emirats arabes unis. Il reste à voir si cette ambition est réalisable et si la méfiance envers le financement climatique peut être surmonté. Les prochains mois seront décisifs, mais il est clair que le cycle des CDN 2025 marquera un tournant. Il révélera des lacunes persistantes, malgré les progrès, et exigera un engagement plus affirmé, dans le cadre d’un nouvel esprit de multilatéralisme.


 
 
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